La RSE au centre des discussions des acteurs du marché de la construction
Retour sur la conférence organisée par le magazine Négoce sur la révolution du point de vente
Le 23 Mai dernier, la conférence organisée par le Magazine Négoce sur la révolution du point de vente était fortement orientée vers la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Alors que la transformation digitale était auparavant le sujet central, celle-ci a été supplantée par la RSE. Orisha Construction a eu le privilège d’assister à cette conférence et vous propose de revenir sur les sujets abordés autour de la RSE.
Un contexte économique peu favorable et des impératifs environnementaux urgents
Le marché de la construction est actuellement confronté à un contexte économique peu favorable, marqué par un arrêt presque total des activités de construction neuve. Le marché de la rénovation énergétique pourrait partiellement compenser la crise du neuf, bien que cela ne soit pas suffisant selon certains professionnels.
Les impératifs environnementaux sont urgents et le temps n’est plus à la réflexion mais à l’action. La mise en place de la REP en est un parfait exemple bien que les distributeurs aujourd’hui essayent tant bien que mal d’appliquer cette réglementation qui selon certains professionnels n’a pas été pensée jusqu’au bout. Chacun est d’accord pour dire que cette démarche est vertueuse mais difficilement applicable à court terme et demande une réorganisation des acteurs qui passe par l’allocation d’espaces dédiés à la collecte des déchets ce qui peut engendrer une réflexion globale des espaces extérieurs, cours, parking, flux de circulation, horaire de collecte … et parfois même l’allocation de ressources humaines supplémentaires pour gérer tout ça. En clair, on n’a pas fini de parler de la REP mais on avance.
La DATA, essentielle pour une politique RSE objective
La transition énergétique se traduit par de nouveaux matériaux, matériaux biosourcés, et des innovations à tous les niveaux de la profession, … Aujourd’hui c’est le service et le prix qui priment, demain l’empreinte carbone sera aussi un critère clé. Des entreprises comme Vinci intègrent déjà cet aspect dans leurs choix. Les professionnels doivent donc anticiper et s’organiser. D’autant plus que les nouvelles générations de professionnels sont beaucoup plus sensibilisées au respect de l’environnement. Tout comme on choisit un produit alimentaire en fonction de son nutri score, demain on doit pouvoir choisir ses matériaux en fonction d’un “bati score”.
Mais pour identifier l’empreinte carbone de chaque produit, il faut être capable d’identifier les critères qui permettent de “noter” objectivement le produit. Pour cela, il est essentiel de disposer de données précises.
Aujourd’hui des bases de données existent telles que la base INIES et fournissent des informations environnementales et sanitaires sur les produits de construction. Même si cela est une bonne base de travail pour les professionnels de la construction, cela reste insuffisant
Un score carbone pour les matériaux, est nécessaire, bien que complexe à établir quand on sait que certains produits finis contiennent plus d’une cinquantaine de matières premières de provenance différentes.
La gestion des données (DATA) est essentielle pour évaluer et noter l’empreinte carbone des produits de manière précise. Pour ce faire, il est nécessaire de définir des critères clairs et de créer un indicateur commun compréhensible par tous les acteurs du marché.
Cependant, la RSE ne se limite pas à l’empreinte carbone ; elle inclut également des aspects éthiques, les conditions de travail des salariés, et des considérations environnementales plus larges. Les industriels, disposant d’informations détaillées sur les matières premières, leur provenance, la transformation, l’emballage et le transport, jouent un rôle crucial dans cette évaluation.
Il semble que les acteurs du marché s’accordent tous à dire qu’il est indispensable que tous collaborent pour normaliser les données et établir un langage commun, englobant clients finaux, distributeurs, fabricants et industriels. La RSE est un enjeu de filière, impliquant toute la chaîne de valeur.
CMEM score sa base produits Bdoublewin
La centrale CMEM, regroupant plus de 1500 points de vente de négociants indépendants, propose déjà un système de scoring dans son catalogue Bdoublewin pour promouvoir la transparence et la responsabilité. Cette base de données s’enrichit continuellement et devrait bientôt couvrir les 470 000 références.
Le marché de la rénovation énergétique pour compenser l’arrêt du marché neuf ?
Avec le marché du neuf en ralentissement, le marché de la rénovation énergétique devient un levier de croissance. L’augmentation des coûts énergétiques, l’impact écologique et les incitations de l’État favorisent ce marché. Certains distributeurs, comme FEMAT, ont identifié le marché de la rénovation comme un marché en devenir et se sont spécialisés dans ce domaine depuis déjà longtemps.
Des outils tels que les simulateurs de rénovation énergétique aident les professionnels et les particuliers à évaluer la classe énergétique de leur bien, à évaluer les travaux nécessaires et les aides de l’Etat disponibles selon leur foyer fiscal. Certains professionnels vont même jusqu’à se substituer au client final et sont ensuite payés par l’organisme chargé des subventions.
Les aides gouvernementales et le soutien des distributeurs sont essentiels pour dynamiser ce secteur.
À noter que les démarches de l’État sont très incitatives (crédit d’impôt, …) aujourd’hui, on voit aussi s’exercer une politique de sanctions, par exemple pour les propriétaires bailleurs dont les diagnostics énergétiques ne sont pas au niveau requis.
Bâtir un avenir RSE, les négoces de plus en plus responsables
Une stratégie de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) implique nécessairement de modifier les pratiques d’achat. Comme mentionné précédemment, le choix des produits de demain sera également basé sur leur empreinte carbone. Les négociants doivent donc sélectionner des fournisseurs qui répondent à des critères non seulement de prix, de qualité et de délai de livraison, mais aussi d’éco-responsabilité.
Au-delà du recyclage, il est crucial de penser en termes de durabilité et de réparabilité. Par exemple, un robinet doit non seulement avoir une empreinte carbone minimale, mais aussi être durable, réparable et permettre une consommation d’eau réduite.
La réduction des emballages est un autre levier important pour des entreprises plus écoresponsables. Cependant, il est souvent difficile d’influencer les fabricants pour qu’ils revoient leurs emballages.
La réflexion sur la location plutôt que la vente est également pertinente. Sachant qu’un particulier utilise une perceuse en moyenne seulement 10 minutes au cours de sa vie, et que les déchets des appareils électriques et électroniques représentaient 850 000 tonnes en 2020, cela soulève des questions importantes. Bien sûr, cela implique un changement des habitudes de consommation et une adaptation des modèles économiques des entreprises.
Acheter autrement
Aujourd’hui, la chaîne d’approvisionnement est l’un des leviers les plus puissants pour une stratégie RSE efficace. Ainsi, le rôle de l’acheteur devient central dans cette démarche, et ses missions doivent évoluer pour adopter de nouvelles pratiques d’achat.
Certains acteurs du secteur instaurent des chartes d’achats pour réduire les risques ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Ces chartes visent à minimiser les risques auxquels une entreprise est exposée sur ces questions cruciales.
Des partenaires comme Écovadis offrent des services pour gérer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement avec quatre objectifs principaux : gérer les risques ESG, réduire les coûts, stimuler l’innovation et créer de la valeur.
Les initiatives internes prises en terme de RSE
Certaines entreprises, comme le Groupe SAMSE, encouragent les initiatives locales en testant des concepts de points de vente de proximité pour réduire les déplacements. D’autres mettent en place des concours internes récompensant les meilleures initiatives RSE, ou encore des outils de suivi de la consommation d’énergie aident à mettre en place des actions correctives. La formation des collaborateurs est cruciale pour sensibiliser tous les niveaux de l’entreprise à la RSE (fresque du climat, journée de formation, e-learning, …). Les entreprises explorent des pistes telles que le réemploi, le recyclage, la location, et le transport plus vert pour devenir plus écoresponsables.
Pour conclure
La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) s’impose désormais comme une priorité incontournable pour les acteurs du marché de la construction. Face aux défis économiques et environnementaux, les entreprises doivent intégrer des pratiques plus durables et éthiques dans leurs opérations quotidiennes. La digitalisation reste un outil clé pour la mise en œuvre de stratégies RSE efficaces, notamment grâce à la gestion et à l’analyse des données (DATA).
L’évolution vers une économie de rénovation énergétique, soutenue par des incitations étatiques et des innovations technologiques, ouvre de nouvelles opportunités pour compenser l’arrêt du marché du neuf. Cette transition nécessite une réorganisation profonde des pratiques commerciales et des chaînes d’approvisionnement, avec un accent sur la transparence, la traçabilité et la durabilité des produits. L’adoption de systèmes de notation carbone, semblables à un « nutri-score » pour les matériaux, permettrait de mieux informer les choix des consommateurs et des professionnels, répondant ainsi à une demande croissante de responsabilité environnementale.
Les initiatives locales et internes montrent la voie vers un avenir plus responsable, avec des entreprises qui prennent des mesures concrètes pour réduire leur empreinte écologique. La RSE n’est pas seulement une obligation réglementaire ou un avantage concurrentiel, mais une responsabilité collective qui implique toute la chaîne de valeur. En travaillant ensemble, les fabricants, distributeurs, et professionnels du secteur peuvent bâtir un avenir plus durable et résilient, répondant aux exigences des générations actuelles et futures.